CHAPITRE XI
LE COSMOS ET LA DÉITÉ 
Nous avons déjà parlé du centre en tant que cinquième direction, disant que c'est la demeure d'Ometéotl, le dieu dual. En effet, en ce point se concentre l'énergie verticale qui monte et descend entre les deux pôles d'un axe. Cette même polarité ascendante-descendante d'énergies se répétera sur le plan horizontal en formant les propres limites du quadrangle, l'équilibrant, ou entre les bras de la croix, donnant lieu aux tensions harmonieuses de la figure, où l'énergie ascendante-descendante se dédouble en s'opposant par paires et en conservant le centre comme zone de repos, comme point de conjonction des contradictions et lieu de communication axiale avec d'autres plans ou mondes: les cieux ou degrés supérieurs et les états inférieurs, l'infernus, le monde souterrain. Placé sur cet axe immobile, l'on trouve aussi le dieu du feu Xiuhtecuhtli, en ce sens qu'il représente l'énergie centrale et constitue le principe symbolique originel qui –à travers son dédoublement et ses oppositions internes– génère la ronde alternée des éléments, la constante guerre des vibrations et des formations cosmiques. Ce même dieu est le patron de l'année ou du siècle, ce qui représente le feu nouveau, à savoir la naissance du temps qui se régénère constamment; toujours changeant mais inaltérable dans son essence, dieu ancien, aussi antique que la création temporelle qu'il marque et suscite par sa propre activité, formant le plan horizontal où la vie se manifeste. Pour les Nahuas, naître sur la terre c'est descendre de la demeure céleste originelle pour vivre une existence illusoire, dont le véritable sens se réalisera effectivement lorsqu'il culminera sous forme d'une ascension vers les cieux. Ces deux opérations –la descente et l'ascension– s'effectuent à travers le même axe central qui est représenté par le dieu du feu primordial et du temps comme incarnation d'un énergie duale originelle présente en toutes choses –ce qui rampe et ce qui vole, le ciel et la terre– dont la synthèse toujours renouvelée peut générer le plan de la création par l'opposition et la conjonction de son activité et de son repos. C'est-à-dire grâce au rythme alterné et dual de l'inspiration et expiration universelle, qui s'étend dans les quatre directions du monde –comme des flèches tirées par des guerriers– le constituant, le limitant.


Monstre à forme de serpent. Paracas. Pérou.

Ce principe originel et central s'exprime en double dans les quatre directions de l'espace, ainsi que dans les quatre phases du temps et les quatre modalités de la matière, etc1, apposant cette marque quaternaire sur toute la manifestation de quelque type que ce soit, puisqu'il s'agit de la caractéristique inhérente à l'expression cosmique, qui la définit et dans laquelle se retrouve invariablement présente l'énergie radiante du principe –le feu originel–, la plus ancienne déité se manifestant en couples, de forme duale. De là le fait que les déités dérivées du Omeyocan se traduisent en paires, ensembles ou fonctions masculines et féminines qui symbolisent et construisent le jeu dialectique du cosmos: les forces centripètes et centrifuges, et leur constante réalisation de la stabilité et de l'ordre par l'intermédiaire du système binaire et la complémentarité des opposés dont il est l'exemple. Ainsi, les couples divins embrassent la totalité et se déploient dans l'évidence sacrale de la manifestation, qu'ils scellent du nom de cieux, planètes et étoiles, tempêtes, pluies et phénomènes atmosphériques, énergies de la terre et de la nature présentes dans la faune et la flore qui, généralement, régissent les mystères de la vie et la sanctification de l'homme en tant que grand protagoniste de l'œuvre cosmique. Tout cela est placé sur une échelle descendante qui va du plus subtil au plus dense, des principes universels aux applications particulières, de l'aérien au solide, en une gamme continuelle de transformations possédant néanmoins des structures identiques, ce qui fait que les déités de la terre –et celles de l'inframonde–, par analogie, ne laissent pas de posséder les mêmes caractéristiques prototypes que les célestes: l'on peut par conséquent les considérer comme les doubles des premières, ou les mêmes à un autre niveau de considération ou de lecture, ce qui est représenté dans presque toutes les traditions par la relation de parenté filiale: père et fils, grand-père et petit-fils ou dieu ancien et jeune dieu. C'est en général le cas des esprits précolombiens chez lesquels, de même que chez ceux de la 'gentilité', l'on mettait ainsi en avant les aspects passifs et actifs –parfois réunis en un seul personnage– de certains attributs divins qui, dans presque toutes les formes traditionnelles, s'étendent aux astres et aux nombres ainsi qu'à leurs projections géométriques équivalentes, codes réellement prototypes et universels, qui nous permettent de récupérer leur idée de la cosmogonie et de comprendre leur pensée. Cette conception se retrouve aussi de façon explicite et unanime dans les anciennes cultures américaines sous la forme de la présence mythique et symbolique de jumeaux2 qui, étant deux, ont cependant leur origine dans un seul et même œuf, symbolisant par là la manifestation duale d'un principe unique, étant présentés parfois comme des frères ennemis se faisant la guerre et signifiant les énergies opposées –l'une active et l'autre passive, une lumineuse et brillante, l'autre opaque et ténébreuse– ou partageant d'amicales aventures; ce qui décrit de mutuels rejet et sympathie, l'attraction et la répulsion de ce qui, bien que de même nature, doit vivre séparé en deux genres –comme dans le cas du couple humain– qui se ressemblent et s'affrontent dramatiquement.

Cette réalité est décrite, avec une profonde intuition, par A. López Austin3 , qui nous dit, se référant au concept de l'axe du monde chez les anciens Nahuas:

«Cet axe fut peut-être conçu comme l'opposition de deux bandes hélicoïdales, en perpétuel mouvement giratoire, à la façon d'un grand malinalli qui unissait le ciel et l'inframonde en passant par le nombril de la terre. Une bande serait celle qui naît dans un monde inférieur, froide, humide et nocturne, tandis que l'autre serait de nature chaude et lumineuse, du monde supérieur. Le mouvement: il serait à l'origine de la continuelle succession des jours et des nuits sur la terre. Ces figures d'entrelacements de deux bandes opposées sont abondantes dans l'iconographie, principalement sous leur forme abrégée de ollin


Glyphe 'Ollin'

Nous répéterons seulement que le symbole de la double spirale, parfois dissimulé comme un motif 'ornemental' –dans sa forme circulaire ou quadrangulaire– et que l'on retrouve d'un bout à l'autre d'Amérique –et dans toutes les traditions connues– évoque jusqu'à l'obsession cette conception cosmogonique exprimée non seulement de manière graphique et visuelle (comme c'est le cas de ollin et malinalli) mais aussi dans le mythe et la structure même des cultures précolombiennes –y compris leur organisation sociale–, de la même façon que le fait le très célèbre symbole du yin-yang extrême-oriental, qui réunit ces énergies et les complète dans l'intérieur indifférencié du Tao, qui en est origine et auquel ils retournent.


Codex Dresde, p. LII

C'est aussi le cas de Tzacol et Bitol, noms qui ont toujours été accolés (créateur et faiseur), et Gukumatz et Tepeu selon le Popol Vuh, et chez les Nahuas également sous les noms de Ometecutli et Omecíhuatl, couple divin et créateur surgit de l'omniprésente émanation de Ometéotl, selon certains, parents de Quetzalcóatl, qui à son tour a un frère jumeau: Xolotl. Le mot cóatl signifie d'ailleurs jumeau. L'on retrouve de semblables croyances chez les Mayas Tzotziles, Lacandons, Yucatèques, Cakchiquels, etc., et aux États-Unis chez les indiens Pueblos et les Iroquois. Dans les dictionnaires mayas de Motul et Vienne, l'on parle d'une déité incorporée qui ne pouvait être représentée appelée Hunab Kú –comme le Yahvé hébreu et dont le nom était de plus imprononçable–, qui générait ou était analogue à Itzám Ná, créateur du monde, dieu lézard, architecte, constructeur et habitant de la maison tridimensionnelle du cosmos, ou maison des lézards ou iguanes, souvent représenté de manière duale, bicéphale, agissant constamment aux quatre coins du monde, sur les six faces du cube de l'univers que lui-même symbolise; muant ses attributs et ses couleurs, les opposant au cours de l'omniprésente danse universelle où tout est symbolique et significatif –et il est aussi étroitement lié aux animaux, aux plantes, aux phénomènes et énergies de la nature– puisqu'il est une manifestation du sacré (Diccionario Cordemex, Mérida. Mexique. 1980)4. Au sujet de cet esprit, J. Eric S. Thompson –qui croit en outre le reconnaître dans le Codex de Madrid (p. LXXV-VI, cf. ici 244) accompagné de son épouse, placés au Centre du Monde dans leur rôle de couple créateur, nous écrit ceci:

«De toute façon, le concept de Itzam Ná ne comprend pas seulement quatre Itzam qui forment le toit et les murs du monde, car lorsque les Itzam touchent l'horizon ils se retournent pour former le sol de la maison où se trouve notre monde, pour compléter le rectangle de la Maison des Iguanes. Il est plus important que l'Itzam assume de nouvelles fonctions quand il abandonne les milieux célestes pour le sol de la maison du monde. Tandis que les Itzam d'aspect céleste envoient les pluies sur la terre, sous leur aspect terrestre ils sont le sol où se trouve toute la végétation, et maintenant ils reçoivent cette pluie qu'ils ont auparavant dispensée du haut des cieux.

Les divers noms d'Itzam Ná sont en rapport avec cette dualité. Ainsi Itzam Ná, Itzam Tzab et probablement Yaxcocahmut se réfèrent à l'aspect céleste de Itzam Ná; Itzam Cab ou Itzam Cab Ain, 'Iguane Terre' ou Iguane Terre Caïman', sont des noms d'Itzam Ná en sa qualité de divinité de la terre, le sol de Itzam Ná.5

Il y a donc six Itzam Ná, un pour chacun des quatre points cardinaux de la représentation plane et deux pour la volumétrique: un céleste et un autre terrestre qui interagissent, sans prendre en considération le septième, invisible, qui se place au point central de cette caisse ou cube. C'est donc une déité multiple qui, par elle-même ou en collaboration avec d'autres –ses différents noms, ses attributs masculins ou féminins, ses enfants, etc.– crée, conserve et transforme le monde pour le générer de nouveau, considérée comme le seigneur du temps et aussi du feu, comme principe originel toujours renouvelable –à l'instar du Xiuhtecuhtli aztèque– et par conséquent, malgré son ubiquité (ou précisément à cause d'elle), est située à la place de l'axis immuable, sur l'Axe du monde, ou Centre de la maison des iguanes, ou manifestation universelle, dont elle est l'essence ou le cœur. En fait, ce que nous voulons souligner, c'est comment une énergie unique se dédouble et, conjointement avec la seconde, progresse indéfiniment en générant la série numérique, expression de tout ce qui est nombrable6. Nous pouvons retrouver cette circonstance dans de très nombreux exemples: documents, textes, symboles, mythes et rites précolombiens, et en particulier chez le fils du couple créateur, créateur à son tour, ou plutôt re-créateur pour son action de régénérer le temps; éducateur et héros salvateur aux caractéristiques humaines et divines, fait à l'image et ressemblance de ses parents et aïeux, et possédant donc des attributs équivalents qui, exprimés spécifiquement sur le plan de la création, peuvent alors être compris et imités par les hommes qui accéderont à leurs enseignements révélateurs. Ce personnage est le cœur de la terre, image du cœur du ciel, connu à l'intérieur de l'homme, et son sacrifice et sa régénération par le feu –symbole auquel l'on identifie également le cœur– constituent le point central de toutes les cultures précolombiennes.7

Mais en plus de considérer ces identités et équivalences, nous voulons à présent faire remarquer certaines notions sur les déités, les panthéons et les théogonies grâce auxquels nous opérons généralement nos approches profanes à ce que nous supposons être les anciennes religions. Ces fausses idées ont bien certainement la même origine que d'autres erreurs –voir chapitre VI–, bien que, puisque traitant là directement du sujet (panthéons et esprits), elles sont très liées à la perte de la notion du sacré et la mentalité symbolique, et bien évidemment conditionnées par le rationalisme, la mécanique de la logique formelle, la littéralité et l'acceptation des élucubrations scientifiques et des systèmes philosophiques en vigueur, ce qui implique des critères de la réalité parfaitement imaginaires au moyen desquels l'on prétendrait systématiser toutes choses, y compris les dieux. Nous faisons référence à l'impossibilité d'une classification 'exacte' et mécanique des esprits –c'est-à-dire des attributs de la déité–, y compris la définition 'officielle' du sacré qui, comme le symbole, est indéfinissable par nature. Ces prétentions scientistes voudraient faire de la métaphysique un schéma administratif dont on pourrait faire le bilan après un inventaire préalable, un commerce qui, comme n'importe quel autre, admettrait une évaluation comptable. Une fois ces conditions remplies, l'on pourrait mettre en fiches ces informations afin que –grâce à un programme établi par la volonté des hommes– les déités nous parlent par l'intermédiaire de la machine de l'esprit. Ce procédé nous semble vraiment trop simpliste pour être adéquat.Mais c'est ainsi qu'agissent les hommes contemporains, suivant des critères de classification maniaques, ayant la prétention d'élever cette stupidité au rang d'exactitude. Nous récoltons des détails et leur collons un nom, une étiquette, et de cette manière nous nous sentons plus tranquilles, nous nous trompons nous-mêmes et croyons que nous savons. Nous manipulons d'immenses archives de fadaises, et le pire est que nous y croyons, que nous considérons que c'est réellement ainsi que cela fonctionne. C'est absurde, mais nous accordons plus de crédit à cette confusion qu'à nous-mêmes, car en tant qu'archivistes nous pouvons nous tromper, mais non pas ces archives que nous considérons sacrées: il s'agit d'une 'entité' à laquelle nous attribuons un caractère véridique et infaillible, comme dans certaines formes idolâtriques et superstitieuses. Nous appelons cette 'déité', fabriquée par l'homme, science et progrès. Ce qui constitue en soi une garantie de certitude absolue.Mais le plus lamentable arrive en nous, puisque cette 'entité' aussi fantasmagorique que fantaisiste a fini par dominer ce qui restait de notre pensée, nous imposant ses volontés arbitraires et ses 'philosophies' selon lesquelles, suivant son critère, nous devons obligatoirement juger les choses, parmi lesquelles les panthéons des sociétés 'primitives' auxquelles nous octroyons alors de confuses idées animistes et n'accordons que quelques notions 'magiques' de la déité, qu'elles n'avaient même pas encore conçue de manière religieuse à cause du retard où elles se trouvaient.8 C'est la raison pour laquelle leurs esprits semblent contradictoires, instables, puérils, inefficaces, malpropres et dignes de sauvages et, par-dessus tout, incapables de s'adapter à nos asepsies scientistes, qui ne sont qu'inventions rationalistes et superstitions contemporaines au moyen desquelles notre ignorance veut dimensionner et cataloguer toutes les choses pour établir leur vérité de cette manière simpliste. Ce qui revient à dire que la méthode avec laquelle nous prétendons fixer et classifier la déité et ses attributs est, en toute logique, aussi erronée que la connaissance que nous possédons de l'objet de notre 'étude': Dieu, les esprits, le sacré, et les symboles arithmétiques, géométriques et constructifs dans lesquels se manifeste la déité. Ceux-ci deviennent automatiquement faux pour l'homme moderne, quand il ne peut pas les caser dans ses schémas rigides, ce qui lui cause une véritable incapacité à les comprendre. Il est impossible de fixer l'esprit lorsqu'on l'envisage dans l'intention de dénombrer ses noms et ses attributs, qui s'échapperont inéluctablement. Cette déficience culturelle avec laquelle sont nés les hommes actuels peut cependant être palliée par l'étude et la méditation sur les symboles, la culture et la pensée de l'homme de l'Antiquité, cette compréhension servant de support pour connaître la réalité à laquelle tous les peuples de tous les temps se sont référés et qu'ils considéraient comme étant leur plus précieux et merveilleux héritage, leur raison d'être et celle de la manifestation, la Connaissance d'un autre monde et d'une autre vie, dans laquelle celle-ci se trouve incluse –comme une cellule dans le flux sanguin– et dont elle ne représente qu'un état et le symbole d'un passage. Mais actuellement, pour atteindre ce but, il faut réaliser que la façon dont notre esprit et nous-mêmes sommes préparés pour la compréhension, c'est-à-dire notre vision du monde, n'est pas la bonne et se convertit en le pire ennemi de la Connaissance (de même que nos affections enracinées dans cette description et ce qui s'y rapporte) en considérant que c'est notre identité. C'est-à-dire que la première partie de ce travail serait un désapprentissage, une rupture d'avec les vieilles structures et 'croyances', qui se détruiront progressivement en appréhendant de nouvelles, par conséquent liées à l'apparition d'un homme nouveau au sens initiatique de l'expression, et non à de simples changements superficiels. Malheureusement, les universités d'aujourd'hui n'enseignent pas cette tâche, bien que cela devrait être l'objet de leur existence. Cependant, et à l'encontre de l'ignorance généralisée des institutions officielles du monde entier, nous voulons citer l'exception de plusieurs centres d'études américains et européens où l'on se réfère à l'homme précolombien et à ses cultures. En effet, ce sujet est spécialement digne d'intérêt du point de vue traditionnel et symbolique, car les investigations universitaires qui portent sur le précolombien, de même que la tâche menée à bien par certaines institutions et musées, sont d'une extrême valeur et pratiquement indispensables à la reconstruction de ces sociétés. Il s'agit là d'un authentique travail scientifique, sans rigueur ni préjugés idéologiques, d'une grande largeur de vue et ouverture d'esprit, et surtout pratique et concret. Nous ne citerons pas de noms en raison du genre de ces textes où la place est limitée, mais l'on doit rechercher chez ces auteurs et ces centres d'études –dont le Musée de la Maison d'Amérique de Madrid ne fait pas partie– la grande quantité d'informations dont par bonheur nous bénéficions; et précisons que nous nous référons à ces institutions qui remplissent la tâche pour laquelle elles ont été créées, ce qui écarte toute approche démagogique et prosélytiste, et toute prétention politique, d'un parti ou d'un autre. Nous voulons également prévenir nos lecteurs au sujet de certains personnages de style théosophique ou spirite, que nous appellerons 'occultistes' dans la mesure où ils sembleraient être en possession de quelques connaissances 'occultes' qui ne se rapportent qu'à la mystification et l'ignorance crasse, dissimulée sous la banalité du secret pour le secret et l'égolâtrie la plus éhontée.

Ces personnages obscurs, qui posent parfois même aux grands chamans autochtones, sont capables de forcer n'importe quelle situation pour la faire rentrer dans leurs schémas; ils ne possèdent pas la moindre donnée traditionnelle et n'ont pas même une vague notion de ce qu'est la Cosmogonie, bien qu'ils tentent d'obtenir l'admiration de leur entourage par leurs prétendus secrets. Il arrive qu'ils utilisent certaines ressemblances et quelques similitudes réelles pour établir d'authentiques confusions et des inventions aussi improbables que les 'scientifiques' –sur lesquelles ils se basent souvent– sans posséder cependant l'indispensable bagage minimum d'une formation intellectuelle qui, même déformée, contient en soi les germes, la possibilité d'une ré-organisation, d'une con-version (au sens réel du terme) qui rendre effectif et puisse revitaliser la pensée et les symboles de l'Antiquité, et instaurer en nous la Connaissance.



Codex Cospi, p. XI



NOTES
1 Xiuhtecuhtli –également appelé Huehuetéotl, Seigneur des quatre temps– était le seul dieu qui n'était pas mort au cours des quatre restructurations antérieures du monde, car il était inaltérable. Sa fête se célébrait pour cette raison en grande pompe tous les quatre ans, pour montrer son propre rajeunissement, et d'une façon particulièrement solennelle tous les cinquante-deux ans –le feu nouveau ou nœud des ans, le signe nahua– lorsque les Pléiades s'arrêtaient, en atteignant le zénith du firmament à minuit.
2 Les 'jumeaux' apparaissent souvent dans les traditions du Vieux Monde. Les Dioscures sont des jumeaux, ainsi que Rémus et Romulus, les Ashvin du Rig Veda, Sjenta Mainyu et Angra Mainyu, [Momores et Adépomares, etc.]
3 A. López Austin, Algunas ideas acerca de tiempo mítico entre los antiguos nahuas (Quelques idées au sujet du temps mythique chez les anciens Nahuas). XIIe Table Ronde de la Société Mexinaine d'Anthropologie. Mexico 1975.
4 Rappelons que pour les Nahuas, la terre, en tant que représentation synthétique du cosmos, était le dos d'un lézard, cipactli, également iguane ou caïman. L'on mentionne parfois la présence, s'élevant au centre de ce plan couvert de boue, d'une milpa ou plant de maïs. 'L'arbre de la paix des Iroquois pousse au centre du monde, symbolisé par la carapace de la tortue, qui est assimilée à la 'grande île', la terre.
5 Historia y Religión de los Mayas (Histoire et Religion des Mayas) (p. 267). A. Barrera Vasquez traduit Itzamná par Magicien de l'Eau, l'associe au lézard-crocodile et souligne l'identité symbolique entre le fromager et le crocodile qui peut être observée dans les codex et les monuments. Diccionario Maya Cordemex.
6 Au sujet des indigènes de la Basse-Californie –aujourd'hui disparus–, les chroniqueurs nous disent qu'ils avaient un mythe de la création dont formait part un couple de frères jumeaux, qui devenaient par la suite le bien et le mal.
7 Le mot yollotl signifie en nahuatl, d'après le dictionnaire de Rémi Siméon, cœur, intérieur, cœur d'un fruit sec ou pépin, et possède une suite de termes annexes ou dérivés on ne peut plus clairs: Yollo, habile, ingénieux, intelligent, qui a une bonne mémoire; Yollocalli, intérieur, sein, entrailles; Uei yollocayotl, courage, audace, grandeur d'âme. Elle indique donc l'essence et le centre par rapport au mouvement, à la raison, à l'intelligence, au courage, à l'assurance et à la sagesse qui sont produits du cœur, et jamais du cerveau –ce dernier recevant grâce au cœur le sang qui lui est indispensable pour fonctionner– comme le pensent les rationalistes et les scientistes. Dans les sociétés traditionnelles, lorsque l'on parle d'esprit l'on parle en réalité du cœur, on le subordonne à ce dernier, et c'est par lui et en lui que se produisent l'intelligence et la vie. Pour les Mayas du Yucatan, la droiture est appelée ol, et d'après le Diccionario de Motul, ce mot équivaut à cœur, de même que pour ceux des hautes terres, et spécialement les Cakchiquels, ce terme représente le souffle de ce qui est vivant, le principe de l'entendement. Nous ajouterons que le yollotl nahuatl possède la même racine que ollin (mouvement), signe fondamental, nous l'avons vu, dans la pensée précortésienne.
8 L'on sait déjà que ces 'idées' modifient la société et l'homme qui y vit, le modelant de cette façon au travers de coutumes, usages, modes, 'croyances', etc., avec lesquels il s'identifie et dont il se sent si fier, si extrêmement orgueilleux, qu'il serait capable d'éliminer d'une façon ou d'une autre toute personne qui contredirait ses convictions, si relatives et fausses qu'elles soient.