ÉSOTÉRISME XXIe SIÈCLE
Autour de René Guénon
Federico González
Hermes de bronce.
PROLOGUE

   J’avais l’intention d’écrire un livre intitulé comme celui-ci, lorsque je constatai qu’il était déjà écrit. En effet, le panorama que je tentais d’y décrire pour ce XXIème siècle en rapport avec la Métaphysique, englobait tout à la fois les quelques rares groupes et individualités sérieux et de type initiatique qui travaillent en Occident, et l’énorme masse de personnalités, cellules, et enfin sectes, qui pullulent autour de la Science Sacrée en la dénaturant, et qui ont apporté la confusion, le chaos et les errements propres à l’obscurité de tout éon qui s’achève; ce qui rend indispensable un redressement, au moins doctrinal, au nom de la préservation des valeurs traditionnelles, des Idées Universelles sans restriction de temps ni de lieu, directement en rapport avec l’essence du Cosmos et sa constante recréation et, par conséquent avec la conservation de la Vie, la Liberté, et la Connaissance qui rendent possible la régénération.

    Je constatai alors que décrire ce temps présent dans l’Esotérisme revenait à ôter la paille du grain (Cf Saint Matthieu 13, 24-31). En effet, l’ambiance régnant en ce commencement du XXIème siècle, dont témoignent aussi sur la scène ésotérique le mensonge et la tromperie, la falsification et le vol, l’ignorance et la trahison, n’échappe pas aux grandes lignes de la loi qui caractérise les temps modernes. Ainsi, un spécialiste de ces questions devait inclure des informations de première main des sujets traités, ainsi que des rôles joués par les acteurs sur la scène réduite des idées ésotériques contemporaines. Une œuvre de ce genre devait alors réunir une abondante documentation qui enrichisse n’importe quelle investigation dans ce sens et qui ordonne le chemin d’une façon générale.

    C’est alors que je compris que le livre était déjà écrit et qu’il l’était de ma main.

    Ceci vient du fait de diriger la revue SYMBOLOS, dans laquelle j’ai pu rendre compte du panorama ésotérique général des onze années antérieures à la fin du millénaire, ce qui revient au même que de mettre en valeur les éléments qui furent la semence du XXIème siècle, et distinguer entre eux les appartenances à différents ordres, témoignant ainsi de l’existence d’une Science Sacrée, c’est-à-dire d’une Tradition Unanime, si vivante de nos jours, et aussi vraie que ses origines non-créées.

    Nous sommes nombreux à croire que la plus haute autorité de la Science Sacrée en Occident de notre temps (bien qu’il en existe également d’autres auteurs authentiques) est René Guénon; et son œuvre, qui touche plusieurs disciplines, est le témoignage synthétique et global de cette Science en ces temps que traverse la Civilisation Occidentale que beaucoup d’ésotéristes comparent à une Fin de Cycle.

    Mais ce n’est pas seulement l’aspect doctrinal ou ordonnateur de son Travail qui ressort, mais aussi son influence dans les milieux ésotériques, et dans l’Histoire de l’Esotérisme en général, à travers l’autorité qu’il a exercée sur divers groupes, écrivains et lecteurs qui ont considéré sa figure providentielle, morts et vivants qui ont bu à sa source malgré que beaucoup d’entre eux ne le mentionnent qu’à peine, ou bien se soient par la suite retourné contre lui, se joignant au collectif qui ne peut que nier les idées ésotériques, de par leur propre nature qui les rend incompréhensibles pour ceux qui –avec raison– les voient comme contraires à toute logique ou science.

    Et c’est au travers de cette masse de lecteurs qui l’adulent ou le détestent –puisque sa pensée critique eut d’innombrables ennemis depuis le début jusqu’à sa mort– avec toutes les nuances intermédiaires, que la pensée de Guénon s’est diffusée dans le milieu ésotérique, autant pour ses références à la Maçonnerie et à l’Hermétisme, ou aux Religions du Livre, ou à l’Hindouisme, Lamaïsme, Taoïsme ou encore les aborigènes américains, que pour l’esprit irradiant son travail et les aveuglantes analogies qu’il réalise, aliment pour l’intelligence et véhicule pour la compréhension. Et c’est aujourd’hui, cinquante ans après sa mort, ce que l’on peut vérifier en observant combien son œuvre reste vivante, peut-être plus encore que durant sa propre existence temporelle; célébrations, symposiums, numéros de revues, livres, articles, témoignent des divers hommages qui lui sont rendus.

    Ainsi, de façon naturelle, la figure de Guénon devint l’axe de ce livre sur l’ésotérisme au XXIème siècle.

    Pour les mêmes motifs, il s’était institué comme le guide spirituel de la revue SYMBOLOS et du groupe de rédacteurs qui la forment. C’est pour celà qu’il est absolument normal que je publie ici ce que j’ai écrit sur Guénon lui-même, la Maçonnerie et la Tradition Hermétique, ce qui forme de par ses propres caractéristiques un regard sur l’ésotérisme contemporain, puisque en tant que directeur de SYMBOLOS je me devais d’être en contact avec les principales idées et milieux ésotériques de ces derniers onze ans, aussi bien en Europe qu’en Amérique, ainsi qu’avec les auteurs actuels.

    Depuis les débuts de sa publication, cette revue, que nous distribuons parmi les principaux milieux ésotériques, reçut un accueil favorable, spécialement auprès de ceux qui connaissaient ou étaient au courant de l’œuvre de Guénon, avec lesquels nous échangions des exemplaires de nos publications et articles en diverses langues que nous publions dans SYMBOLOS, tout comme plusieurs de nos collaborations furent traduites et diffusées dans ces milieux. A ceci il faut ajouter l’envoi d’une abondante correspondance de Guénon, qui n’avait pas encore été publiée, et d’études de l’auteur qui, ayant été publiées dans des revues de son époque, n’avaient pas été recueillies dans ses livres et que quelques correspondants me firent parvenir aimablement. Il faut également mentionner que, étant donné la qualité des articles initiaux, nous avons reçu de nombreux travaux d’auteurs qui désiraient spontanément se joindre à SYMBOLOS et publier dans ses pages, ce qui se fit vu la valeur de beaucoup des textes envoyés bien que ces auteurs ne participent pas de tout ce qui est manifeste dans ce milieu et n’appartiennent pas au noyau d’écrivains qui forment la rédaction de notre revue.

    Ce qui fit que SYMBOLOS s’institua ainsi, et sans l’avoir prétendu, comme une sorte d’éminence d’où observer le panorama de l’ambiance ésotérique de son époque; un point de vue privilégié puisqu’étant intervenu directement dans les questions dont traite le thème, y compris de forme polémique, tout en rendant compte au moyen de commentaires, recensions, ou encore la reproduction photographique de sommaires –que nous avons conservé ici– du mouvement ésotérique en général; pendant que Guénon, la Tradition Hermétique et la Franc-Maçonnerie, comme moyens d’accès à la Connaissance en particulier, c’est-à-dire comme guides et chemins de réalisation, constituaient le programme sur lequel insistait tout particulièrement notre revue.

    De fait, SYMBOLOS a déjà publié jusqu’à présent plus de 4.000 pages sur des thèmes ésotériques de toutes les grandes traditions, y compris la Tradition Précolombienne, que Guénon n’a presque pas approchée, à laquelle SYMBOLOS consacra plusieurs travaux; ce dernier programme a été éliminé en vue de cette collection qui comprend seulement ceux qui sont consacrés aux voies citées précédemment et à leur vigueur, documentée par les publications et les auteurs qui en témoignent dans un sens ou dans l’autre, car la polémique n’est exclue d’aucune manière, tout en signalant concepts et chemins, symboles et pensées ou points de vue également valides, en rejetant beaucoup d’erreurs dans l’interprétation, presque toujours intéressée, de concepts en rapport avec la doctrine traditionnelle et émanant de sources qui, de nos jours plus que jamais, sont opposées à cette doctrine qu’elles prétendent pourtant manipuler et utiliser à leur profit, qui est le même que celui de l’Adversaire. Dans ce sens, l’on insiste tout particulièrement sur les différences entre religion et métaphysique, exotérisme-ésotérisme et Etre et Non-Etre, qui ont si souvent prêté à des confusions encore aggravées par les personnes et les groupes qui, ou bien par ignorance –qui mène à la haine– ou bien par désir d’hégémonie et pouvoir, ont adultéré la pensée de Guénon déjà de son vivant. Comme par exemple ceux qui s’approprient sa figure et son œuvre à des fins religieuses qui frôlent le fanatisme ou à des fins politiques, dans ce dernier cas des groupes fascistes et traditionalistes du type dur, ralliés aujourd’hui au drapeau de l’“innocente” Nouvelle Droite.